La destruction planifiée de l'industrie de l'armement des membres européens de l'OTAN

 

Nous soulignions, dans notre article précédent, que l'OTAN avait choisi de couper, avant la fin, sa vidéo montrant la séance de questions et réponses de Jens Stoltenberg, secrétaire général de L'OTAN, après le discours qu'il a tenu ce 18 février 2017 à la conférence de Munich sur la sécurité. Que s'est-il donc dit par la suite ? L'enregistrement de cette séance de questions et réponses, ainsi que sa retranscription, sont disponibles sur le site internet de l'OTAN.

 

 

Voici donc la question complète de Ming Campbell :

« Secretary General, thank you very much. I wonder if in this elongated debate you would accept that the question is not so much what we spend but how we spend it, and in particular, we should bear in mind that the 2% is a minimum. It's a minimum target, and should be interpreted in that way and Mrs. Merkel spoke about common procurement, what about the two principles of interoperability and for specialization, so that Europe as a whole can provide a full spectrum of capability? »

 

Ainsi que la réponse de Jens Stoltenberg :

« I absolutely agree with you that this is also about how we spend the money, and actually what we agreed in 2014, 28 Heads of State and Government, was not only to spend more but also to spend better we had to do both, but it’s not either more or better, we need to spend at 2% better and that’s the reason why we are addressing both the importance of increased defence spending but also to do what we do in a more coordinated more efficient way. And it is a reality that it’s possible to waste a lot of money on defence if you spend the money in the wrong way and one the challenges we face especially in Europe is the fragmentation of our defence industries. I often use the example that in the United States they have one type of battle tanks, in Europe we have 5 different. In the United States there is one armoured infrantry vehicle, in Europe I think it’s 13. So of course everything related to the economy of scale is much more utilized in the United States because there are bigger numbers while in Europe we haven’t been able to utilize that in the same way. I know that that’s difficult, because I was for some years Prime Minister in Norway and one of the first decisions I made back in 2000 was to decide that when we were going to buy new frigates for Norway we were going to not buy Norwegian ones because they were more expensive, but we were going to buy Spanish frigates. That was one of the reasons I lost the elections the same year. So I didn’t repeat it the next time and I started to buy Norwegian and I won some elections. So the problem of course is that it’s extremely sensitive to integrate the defence industry but we have to do it of course because that will reduce cost and make sure that we spend better than we do today. »

 

Ce qui signifie en français :

 

- Ming Campbell :

« Monsieur le secrétaire général, merci beaucoup. Je me demande si dans ce débat étendu, vous accepteriez que la question n'est pas tant de savoir quel budget nous dépensons mais comment nous le dépensons, et en particulier, nous devrions garder à l'esprit que les 2 % constituent un minimum. Il s'agit d'un objectif minimum et cela devrait être interprété en tant que tel et Madame Merkel a parlé d'approvisionnement commun, qu'en est-il des deux principes d'interopérabilité et pour la spécialisation, de sorte que l'Europe, en tant qu'un tout, puisse fournir un spectre complet de capacités_?_»

 

- Jens Stoltenberg :

« Je suis absolument d'accord avec vous à propos du fait qu'il s'agisse aussi de savoir comment nous dépensons l'argent, et en fait ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord en 2014, 28 chefs d'État et de gouvernement, était non seulement de dépenser plus mais encore de dépenser mieux nous avions à faire les deux, mais ce n'est pas soit plus soit mieux, nous avons besoin de dépenser à 2% mieux et c'est la raison pour laquelle nous soulignons à la fois l'importance d'augmentation des dépenses pour la défense mais aussi que nous fassions ce que nous faisons d'une façon plus coordonnée et plus efficace. Et c'est une réalité qu'il est possible de gaspiller beaucoup d'argent consacré à la défense si vous dépensez l'argent d'une mauvaise façon et un des défis auquel nous faisons face, en particulier en Europe, est la fragmentation de nos industries de la défense. Je cite souvent l'exemple qu'aux États-Unis ils ont un type de char de combat, en Europe nous en avons 5 différents. Aux États-Unis, il y a un véhicule d'infanterie blindée, en Europe je pense qu'il y en a 13. Donc bien sûr tout ce qui est lié aux économies d'échelle est bien plus utilisé aux États-Unis parce qu'ils ont de plus grands nombres tandis qu'en Europe nous n'avons pas été capables d'utiliser cela de la même façon. Je sais que c'est difficile parce que j'ai été quelques années Premier ministre de la Norvège et une des premières décisions que j'ai prises en 2000 a été de décider que, quand nous allions acheter de nouvelles frégates pour la Norvège, nous n'achèterions pas de frégates norvégiennes car elles étaient plus chères, mais que nous allions acheter des frégates espagnoles. Ce fut une des raisons pour lesquelles j'ai perdu les élections cette même année. Je ne l'ai donc pas répétée la fois suivante et j'ai commencé à acheter norvégien et j'ai gagné quelques élections. Donc le problème bien sûr est qu'il est extrêmement sensible d'intégrer l'industrie de la défense mais nous devons le faire bien sûr parce que cela réduira les coûts et assurera que nous dépenserons mieux que nous le faisons aujourd'hui. »

 

 

Que signifie tout ce verbiage ?

 

Une entreprise de communication

 

Il faut bien comprendre que cette « question » de Ming Cambell ainsi que la « réponse » de Jens Stoltenberg font intégralement partie du discours de celui-ci qui parle au nom de l'OTAN, et donc au nom des intérêts états-uniens. Jens Stoltenberg et Ming Campbell ne font que se donner la réplique, ce dernier posant une prétendue question qui permet en fait à Jens Stoltenberg de clore sa séance de questions et réponses comme il l'avait prévu.

 

L'objectif de la « réponse » de Jens Stoltenberg étant de convaincre son auditoire que tous les membres de l'OTAN devraient, autant que possible, avoir un approvisionnement commun en matière d'armement, ce qui signifie concrètement se fournir auprès du complexe militaro-industriel états-unien !

 

Une très importante question économique

 

Devoir se fournir en armement auprès d'entreprises étrangères nuit à l'emploi local et à l'économie nationale. En effet, toute dépense budgétaire effectuée auprès d'une entreprise localisée sur le territoire du pays qui consent à cette dépense, et à plus forte raison auprès d'une entreprise nationalisée, coûte en réalité beaucoup moins cher que la même dépense effectuée à l'étranger car une entreprise belge contribue au budget de la Belgique par les taxes dont elle s'acquitte ; de plus, une entreprise localisée en Belgique fournit de l'emploi sur place, ce qui contribue à augmenter le pouvoir d'achat des ménages et alimente ainsi l'économie du pays.

 

Le fait que Jens Stoletenberg, nous dit-il, a décidé en 2000 alors qu'il était Premier ministre de la Norvège, d'acheter des frégates espagnoles plutôt que norvégiennes est une excellente illustration des conséquences de l'article 30 du TFUE qui interdit tous les droits de douane entre les membres de l'Union européenne.

 

Par ailleurs, l'achat d'armement s'accompagne d'un certificat d'utilisation finale qui inclut, entre autres, une clause de non-réexportation : celle-ci implique que l'acheteur s'engage à ne pas réexporter les produits militaires en question sans l’autorisation explicite du vendeur. Par conséquent, quand il sera question de revendre de l'équipement, la Belgique n'aura pas la possibilité de le faire à qui elle veut, ce qui pourra avoir des répercussions sur le prix de revente ou encore sur la possibilité même de revendre l'équipement ! Quand on diversifie ses fournisseurs, on est beaucoup moins vulnérable à ce que décident ou subissent ceux-ci. Mieux encore, quand on produit soi-même son armement, on ne subit pas de telles contraintes.

 

Une essentielle question stratégique militaire

 

Quand on importe son matériel militaire, la possibilité de disposer des pièces de rechange nécessaires à l'entretien ou à la réparation du matériel en question est laissée au bon vouloir du pays fournisseur !

De plus, une part de plus en plus importante de l'équipement militaire utilise les technologies les plus avancées, notamment en matière électronique. Celles-ci permettent à son producteur de neutraliser quand il le veut à distance l'équipement en question !

En d'autres termes, un pays qui se procurerait la plupart de son équipement militaire auprès d'une puissance étrangère donnée se retrouverait totalement à la merci de celle-ci !

 

De très lourdes implications diplomatiques

 

L'absence d'autonomie à se procurer des pièces de rechange, la possibilité de voir son équipement militaire neutralisé à distance ainsi que l'impossibilité de le revendre comme bon lui semble placent un pays dans une situation de vulnérabilité qui l'affaiblit terriblement d'un point de vue diplomatique. Or la diplomatie est une des clefs essentielles à la réussite, pour ne pas dire à la survie, d'un pays.

 

Une brillante conférence pour mieux comprendre

 

La magnifique conférence, intitulée Où va la défense de la France ? de Régis Chamagne développe, de façon élégante et pédagogique, divers points, et d'autres encore, qui ont été abordés dans cet article. Nous vous la recommandons vivement !

 

Régis Chamagne - Où va la défense de la France ?

 

 

Conclusion

 

La Belgique doit avoir la possibilité de déterminer elle-même, de façon souveraine, son propre budget de la défense ainsi que la façon dont elle entend gérer ce budget.

La Belgique ayant perdu sa souveraineté, et n'étant ainsi plus un État, il lui devient de plus en plus difficile de ne pas obtempérer aux diktats de Washington qui lui intime d'augmenter ses dépenses militaires ainsi que la façon de gérer son budget de la défense.

 

La seule façon qu'a la Belgique de s'affranchir de cette tutelle états-unienne consiste à sortir le plus rapidement possible de ce carcan qu'est l'OTAN par la mise en œuvre de l'article 13 du Traité de l'Atlantique Nord.

De plus, étant donné que l'article 42 du TUE place la politique étrangère et la politique militaire de l'Union européenne sous la tutelle de l'OTAN, la Belgique doit également, afin de recouvrer son indépendance diplomatique et militaire, sortir de l'Union européenne par la mise en œuvre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne.

 

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Mike Werbrouck

Président fondateur du MIB

 

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